jeudi 9 mai 2013

un arbre, un mur, un bassin

(ce n'est pas ma main)
Un arbre, un mur, un bassin. Guillaume Pinard. éd. Sémiose. 15€ (même le prix est drôle).

Oui parce que c'est un drôle d'album, ou un album drôle, c'est comme vous le souhaitez.
Voilà,  en tout cas, un livre qui a marqué mon esprit, qui m'a marqué plus professionnellement que personnellement.
C'est lui (en partie) qui m'a vraiment fait aimer la bédé indé débile. Du genre, celle qui marque.

Alors, j'essaie de broder parce que, concrètement, un arbre, un mur, un bassin, ce sont différentes histoires... d'un arbre, un mur, un bassin. Et c'est ça qui est génial !
Tout est dans la simplicité ! Du titre, de l'absence de décor, de la fixité des protagonistes, de l'omniprésence de ce blanc des pages, de ces dessins fait sous Paint, de ces gags en une page frôlant parfois la métaphysique bien grasse, voire, disons le franchement, plongeant dans le "pas drôle" affirmé et accompli.

C'est pour tout ça que Un arbre, un mur, un bassin est indispensable.
Et aujourd'hui, il est mien.

Le mur invisible

Réalisation : Julian Roman Pölsler
Durée : 1h48
Genre : Robinsonnade fantastique


J'ai vu ce film dans la plus petite salle de cinéma que j'ai pu voir.
En fait, ça avait tout d'une sorte de petite salle de classe avec son projecteur.
Les quelques détails renseignant le mieux sur le lieu était les véritables fauteuils de cinéma, les classiques, ceux que l'on retrouve partout, ceux qui témoigne du lieu de projection, partout, ils deviennent une sorte de point de repère.
Et puis il y avait l'écran, écran qui, bien que de faible envergure par rapport à ceux que l'on peut côtoyer de nos jours, restait un véritable écran de cinéma.

C'est donc dans ce charmant petit endroit que j'ai assisté au visionnage de Le mur invisible.
Pour la petite histoire, le point de démarrage, le début du récit, nous retrouvons une femme dans la force de l'âge parti prendre quelques jours de repos en compagnie d'un couple d'ami dans un pavillon de chasse au fin fond d'une vallée alpine du plus belle effet, entre la route qui longe le lac, la forêt de conifères aussi mystérieuse qu'envoûtante et la pittoresque maison toute de bois fabriqué, y'a rien à dire, c'est beau.
Une fois rendu, notre plus si jeune femme va se retrouver quelques temps seul, ses camarades étant partis faire un tour au village assez lointain... la voilà en compagnie de Lynx, chien attachant à passer la soirée et la nuit dans l'attente de retrouver ses compagnons.
Qui ne revienne pas. Intriguée, la femme découvre qu'un mur invisible bloque la route.

Adapté du roman éponyme écrit par Marlen Haushofer, ce film qui débute comme une oeuvre fantastique va rapidement se transformer en récit à la Jack London ou un Robinson Crusoé moderne.
Le film va suivre le récit qu'est en train d'écrire l'héroïne pour laisser un témoignage au cas où le mur disparaîtrait. C'est ainsi que l'on découvre tout ce qu'elle a traversé et continue de vivre.
Récit de survie dans un milieu inconnu, on découvre peu à peu son adaptation au milieu environnant, ses découvertes, son apprentissage de la chasse, de l'élevage et de la culture des plantes mais aussi toutes les émotions qu'elle a éprouvé et cette quasi-éternelle sensation de solitude qui la saisie aux tripes, toujours planante, ce n'est qu'au fur et à mesure, qu'elle l'acceptera notamment avec sa relation particulière avec Lynx, fidèle compagnon, qui ne semble pas affecté par cette nouvelle situation. Il deviendra un être indispensable, cohabitant avec la femme et quelques autres animaux, eux aussi enfermés par ce mur invisible.
Terriblement mélancolique, le film alterne entre l'évocation des sentiments de la femme, ses réflexions constantes sur son vécu et son état et la description de son quotidien, des tâches qu'elle effectue et de ses efforts pour toujours s'adapter et prendre soin de sa ménagerie.
Cet accablement ambiant se trouve confronté à la beauté du lieu et la tranquillité de la vie qu'elle mène. Totalement autonome, le film se dote d'une photographie magnifique et c'est un réel plaisir que d'admirer ces paysages alpins, de cette sombre vallée encaissée aux pâturages en altitude, le décor est tout simplement beau.
On en vient à bien comprendre cette difficulté de vivre en ermite tout en profitant d'une vie simple et bienfaitrice.

Bref, le mur invisible m'a bien plu, pour la beauté du lieu, l'idée de base empruntant au fantastique et les questionnements constants provoqués par cette vie solitaire.
Après, c'est Austro-allemand, ça respire difficilement la joie.

mercredi 13 mars 2013

CLEER

CLEER. L. L. Kloetzer. Éditions Denoël. 23 n€nes.

Charlotte et Vinh, deux jeunes cadres dynamiques viennent d'être engagés au service Cohésion Interne de la société CLEER, une immense multinationale présente sur tous les fronts. Leur rôle : faire respecter l'image de marque en notant et corrigeant au mieux les dérapages des diverses entreprises leur appartenant.
Et voilà en quelques lignes, un schéma très grossier de l'histoire de ce roman, c'est un peu indécent parce que pour bien donner la saveur de l'ensemble, il faut déjà tenter de comprendre et définir CLEER.
Qu'est-ce que véritablement CLEER ? Une gigantesque entreprise tentaculaire aux ramifications indéfinissables, oui, entre autre, c'est aussi et surtout un nom, CLEER est tout, est partout, est au dessus de tout.
La notion véritable d'entreprise productrice n'est plus, CLEER est une image de marque, c'est un symbole à tous les niveaux, économiques, politiques et sociales. Tout le monde connait CLEER, tout le monde rêve de CLEER (et rêve CLEER), elle est la représentation de l'absolu.
Et c'est à travers l'ascension de Charlotte et Vinh, à différents niveaux, que nous en avons un aperçu. En les suivant à travers plusieurs missions au sein de Cohésion Interne, l'organisme de CLEER chargé de faire respecter le cahier des charges de la société, on découvre un monde tout à fait à part, un univers étranger où seul ceux capables de se fondre avec leur travail, décidé à ne vivre que par le biais de leur implication dans l'organisation peuvent survivre dans ce monde où finalement l'humanité n'est qu'une composante secondaire d'un ensemble.

Le roman, sous titré "une fantaisie corporate", nous mène dans un milieu abscon pour les uns et familier sans doute pour d'autres. Ce n'est finalement que le portrait futur (présent ?) de certaines de nos multinationales actuelles et même si l'intégration de la part de l'auteur d'une dimension fantastique, magique, devrait nous indiquer le côté factice de tout ce macrocosme, il en décrit trop bien les traits principaux pour ne pas en voir l'écho dans notre société contemporaine.
Cette dimension magique justement est disséminée de telle sorte qu'elle s'intègre, se fond de manière inaperçu à l'ensemble.
Vinh peut sembler être un surhomme, il n'est que le produit de son conditionnement, de tout ce qu'il a vécu, de ses expériences, le fruit de son comportement arriviste et ambitieux, toujours prompt au dépassement de soi. Il veut être l'excellence, il en devient plus qu'humain... ou peut-être justement tout le contraire.
Charlotte est un autre modèle, elle est compétente, elle peut douter, n'a pas la force de caractère de son camarade mais elle a de l'empathie, de la réactivité et plus que tout ce pouvoir "magique" qui lui permet de déceler toutes les implications et les conséquences rien qu'en lisant le nom d'une personne où à travers un regard. Ce pouvoir, nommé dans le roman "méthode Karenberg", n'est autre qu'une évolution précise et imaginé de ce que pourrait être la psychologie que l'on connaît.
Ainsi CLEER laisse plus à penser à une sorte d'étrange et heureux mélange de récit d'anticipation et de fantasy légère. On y retrouve au final l'idée récurrente de quête propre à ce genre dans la conclusion du livre.

Mais si CLEER est fabuleux, il n'en est pas moins évident. Il me fut très difficile d'intégrer ce monde et mes premiers pas dans le roman se sont heurtés à tout un langage alors inconnu et incompréhensible où seul les protagonistes eux-mêmes paraissait se comprendre. C'est au fil du récit qu l'on apprivoise cet univers ou plutôt qu'il nous communique son environnement. Parce que CLEER, c'est ça, un récit sur la communication d'entreprise, on finit par s'y perdre nous aussi, lecteur, on s'y prendrait presque au "jeu", à vouloir la réussite de Vinh et Charlotte, à voir jusqu'où ils pourront aller.
Et c'est quand on croit entrevoir le fonctionnement, que l'on commence à comprendre le rôle de chacun que le roman nous perd encore plus, le travail et l'évolution se mélange à tel point que l'on ne sait plus où est l'intérêt de l'entreprise et l'intérêt personnel, il ne semble plus y avoir aucun des deux.

Voilà un étonnant livre qui, bien que souvent nébuleux pour moi, ne m'a pas laissé de marbre avec cette description d'un milieu corporatiste quasi-extraterrestre, dressant un portrait si proche et effrayant de certaines de nos multinationales. La couche "fantaisie" ne fait qu'ajouter et souligner cet aspect impénétrable. Une curiosité que je conseille.
Et dire que j'ai des copains qui sont pas loin de travailler là dedans, je leur souhaite bien du courage.

CLEER
be yourself

mardi 12 mars 2013

Focu

Focu. Diego Aranega. Éditions Paquet. Tu ne diras pas "8€ cette connerie" mais "8€ pour rigoler, c'est donné".


Ben té, je tente une réanimation de ce lieu par une petite imbécilité, ça va être rapide, parce que le principe est assez simple.
Focu, je le connais depuis longtemps en fait, j'étais encore collégien ou récemment lycéen, comme quoi il n'est pas tout jeune l'enflure. Il était publié dans un magazine appelé "XXL" qui n'a pas fait long feu dans mon souvenir, c'était un magazine pour ado qui se voulait peut-être un peu originale, très orienté musique presque metal et cinéma de seconde zone, dans mes souvenirs c'était très con surtout et Focu avait bien sa place là dedans.
Et ce n'était peut-être pas sa première apparition. Quoiqu'il en soit, à ma connaissance, il est apparu sous forme d'album dans les années 2000 et c'est présentement une réédition allégée que voici récemment. Que je suppose allégée en tout cas parce qu'il me semble en avoir lu des wagons de ces trucs, enfin bref.

Donc l'idée, c'est le classique "Tu ne diras pas - Tu diras plutôt" déjà aperçu d'ailleurs dans d'autres bédés comme Gaston pour ne citer que lui.
Et voilà. Focu s'attaque donc aux proches en usant de son ton hypocrite à merveille, c'est souvent juste vulgaire et bien gras mais parfois, oh surprise, il use d'une certaine élégance dans la formule de politesse, ne trahissant pas ainsi son moi profond : c'est un gros faux-cul et un beau.

 



mardi 13 novembre 2012

Sans parler du chien

Sans parler du chien. Connie Willis. éditions J'ai Lu (à quand les éditions Je Lirais ?). J'sais pas le prix, on me l'a offert. Mais 8€, ça devrait faire l'affaire.


C'est bizarre, en y repensant, j'ai fait la même gaffe. J'ai encore cru que Connie Willis était anglaise, ce qui n'est pas le cas, et le fait que l'histoire se passe sur la perfide Albion (j'adore cette périphrase même si dans ce contexte, elle n'est pas trop nécessaire) et qu'elle utilise un style très victorien pour conter son histoire, paf, je retombe dans le panneau.
Et même dans le rythme, je trouve que ça se confirme, l'agencement de l'histoire, on est dans une enquête dans la lignée des classiques anglo-saxons.

Enfin, n'allons pas si vite, un peu d'histoire permettra de se mettre dans le bain.
Ned Henry fait partie d'une équipe d'historiens chargée de revenir dans le passé pour récolter autant d'informations possibles à propos de la Cathédrale de Coventry, détruite pendant la guerre 39-45 pour que sa reconstruction soit la plus fidèle à son époque, le XXIe siècle, un projet fou et insensé conduit par une personne aussi sévère et insupportable qu'inconsciente, Lady Schrapnell la bien nommée.
Pour échapper à ce tyran de chef, Ned Henry part se réfugier, dans le cadre d'une mission, en plein Angleterre de la fin du XIXe, où il s'avère qu'il doit ni plus ni moins restaurer la trame du temps, ce dernier étant malmené par la présence d'un chat du XIXe au milieu du XXe...

Il s'agit là d'un roman qui s'attaque à l'un des grands principes classiques de science-fiction, aussi inusable que fascinant, le paradoxe temporel.
Et voilà comment Connie Willis sur cette idée, va écrire un roman à l'ambiance et au style victorien mélangeant humour, présupposé scientifique et bonnes manières, ce qui se trouve être très intéressant.
Étonnant tout d'abord parce que j'ai clairement eu l'impression que ça n'avançait pas, les deux personnages principaux, Ned Henry et sa collègue Verity, se trouvant complètement coincés dans leur rôle d'époque, se débrouillant comme faire ce peu pour passer inaperçu dans un monde où ils ignorent beaucoup des us et coutumes de l'époque.
Et c'est avec beaucoup d'humour, jouant sur les quiproquos, les bons mots et un côté très théâtre de boulevard que le récit nous tient en haleine, c'est tout simplement prenant ! Emprisonné comme eux, on souffre de devoir subir l'étiquette de l'époque, le côté au début charmant et élégant de l'époque devient rapidement étouffant et pénible. Impuissant comme eux, sans savoir si leur futur existe encore, si le passé parvient à reprendre ses marques, en découvrant que ce qu'il pensait faire pour arranger les choses pourrait tout aussi bien les aggraver.
Connie Willis joue très bien sur ça, le jeu entre ce côté très léger, drôle empreint de classicisme et un véritable récit de SF parfois très poussé et déconcertant dans les explications du paradoxe suite à ces nombreux voyages temporels car les aller-retours sont quasiment incessants et jamais de pauses n'existent pour nos pauvres compagnons.

Si pourtant, j'ai pensé que le roman possède quelques longueurs il n'en reste pas moins que je n'ai pas pu le lâcher, sa manière d'écrire est tout simplement prenante, un rythme efficace et un humour qui m'a encore une fois conquis.

C'est en tout cas un bel exemple de mise en scène du voyage temporel à la sauce humoristique !


mercredi 7 novembre 2012

L'attaque des dauphins tueurs. Julien Campredon. éditions Toussaint Louverture. 14€


J'aimerais dire beaucoup de bien des éditions Toussaint Louverture parce que c'est possible qu'elle le mérite.
En plus d'éditer des ouvrages un peu perdus de vue, de faire de l'archéologie littéraire ou de dénicher quelques petits talents bien sympathiques par-ci, par là et bien ils ont le soucis du bouquin, un beau texte avec un beau livre, ça marche comme ça.
Et c'est surprenant mais ça sent dès la prise en main. Pas besoin qu'il soit énorme, l'effeuillage, la typographie, la présentation à la fois épuré, curieuse, élégante et classique, c'est simplement agréable ce côté vieux livre tout neuf. Ça à l'air bête comme ça, mais ça se fait rare.
Alors oui, j'aimerais dire de bien jolis choses à leur encontre mais c'est comme tout, à force ils pourraient y prendre goût.
Et puis, bon, en vérité, c'est d'un livre que je veux causer alors c'est bien beau les éditeurs qui font du bon boulot mais place à l'oeuvre elle même que diable !
Et du diable, il en est question dans ce recueil de nouvelles, comme on peut y croiser un livre maudit, du béton maléfique, un touriste envahissant et bien sur des dauphins tueurs.

Alors j'arrête tout de suite tout le monde, non, je n'ai pas fait l'acquisition de cet ouvrage uniquement à la lecture de ce titre vilement accrocheur, du tout, je... c'est pas vrai... je réfute... Bon ça a joué un petit peu. Beaucoup.

Le recueil en question comporte 5 petites histoires flirtant pour la plupart avec du fantastique, enfin sauf la dernière, encore qu'une pourrait être considéré comme de l'anticipation, et la deuxième, c'est presque une chronique sociale et... enfin rien ne sert de catégoriser, il faut partir du bon pied et justement, c'est cela qui est bien c'est qu'avec toutes les nouvelles de l'attaque des dauphins tueurs, on marche à fond dedans.

Diablerie diabolique au clubhouse par exemple est un récit tout droit inspiré des oeuvres de Robert Louis Stevenson, d'Edgar Allan Poe ou encore de Goethe vu qu'il s'agit là ni plus ni moins que d'un curieux pacte avec le diable ! Tout en souplesse, Julien Campredon donne le ton, et celui-ci joue sur le green de l'humour avec une fixation sur le golf pour l'un des protagonistes tandis que l'autre rêve d'une fontaine de jouvence. Et mélangeant avec élégance le style classique des auteurs précités à des accents de modernité, il se dégage de ce récit fantastique son style propre, où l'absurdité bien écrite prime avant tout.

Et tout ça se confirme avec La Vengeance du livre uruguayen que tout bon lecteur se doit d'apprécier vu qu'il tourne autour d'un livre mystérieux qui, si on l'utilise en infusion, promet une bibliothèque de 423 gros volumes.
Outre le fait que l'on y découvre une description gentiment caricatural ô combien juste de la librairie, il en reste que cette nouvelle est une merveilleuse et hilarante mise en scène des dangers de l'avidité. Et tout ça en passant par la description du quotidien de ce jeune couple et de leurs petites contrariétés quotidiennes, l'absurde de la situation en est presque poussé à son paroxysme avec l'apparition d'un appartement étrangement labyrinthique.

C'est avec La coulée de béton infernale qu'on se retrouve dans un récit peut-être plus classique, une sorte de polar paranormal où l'humour est encore ici toujours constant. Histoire de détective où l'auteur joue avec tous les codes du genre pour lancer une petite enquête sympathique autour d'un détective en proie à un bétonneur fantômatique et fou. C'est pour moi la nouvelle la plus faible du lot mais qui reste néanmoins très divertissante. Autant le mariage humour et fantastique du XIXe me convenait autant la recette fonctionne légèrement moins bien pour moi avec cette rigolote detective-story.

Mais c'est pour mieux atterrir sur la nouvelle qui donne son titre à l'ouvrage (sans verser de droits d'utilisation), l'attaque des dauphins tueurs.
Et rarement un titre fut aussi vrai, il s'agit bien là d'une attaque de dauphins tueurs. Nous sommes dans un futur proche, assez proche, trop proche où la tectonik a eu bien trop d'échos et le poisson est interdit. On est là dans une histoire de SF délirante et délicieusement cinglé où tout semble permis, c'est avec un certain brio que Julien Campredon utilise des procédés des films de série B, des éléments de la société de consommation et le manichéisme des politiques droite-gauche pour les tourner à son avantage et faire de ce texte un petit bijou de cynisme absurde.
C'est bien con et c'est bien bon, comme les sardines.

Finalement, c'est plutôt sensé que le recueil se finisse par M., M. M., D. & M. une histoire qui ne va nul part pour ne mener à rien. C'est bien simple, au fil de la lecture, on est aussi perdu et impuissant que ce pauvre bougre d'Édouard qui se voit peu à peu jeté de chez lui par un coucou appelé Michel.
C'est un peu le clou du spectacle, l'apothéose de ce lot de petites nouvelles bien absurdes, les évènements s'enchaînent et on perd pied avec le personnage, c'est étrange et une belle coïncidence mais c'est un peu le même esprit que Wrong de Quentin Dupieux dont je disais quelques mots sur ce même blog. Une douce et drôle descente dans la folie.

Bref, j'imagine que j'en ai trop dit ou pas assez, quoiqu'il en soit, j'ai pris mon pied, et comme un petit verre de ce que vous souhaitez, ça passe tout seul, de l'humour bien troussé et Julien Campredon semble assez bien maîtriser son style, qui me convient, ce croustillant mélange d'un phrasé soutenu à un univers plus populaire.

Et puis, il ne faut pas exagérer mais juste en dessous, c'est le site des éditions Toussaint Louverture

Il est à l'image de leurs ouvrages et on y trouve déjà plein de choses à lire.

mardi 6 novembre 2012

Fan man

Fan Man. William Kotzwinkle. éd. Cambourakis. 10,50€ (Comme un manga de luxe mais en mieux)


Quand même, ça commence à bien faire, c'est un club de lecture et ça fait des lustres que je ne parle plus bouquins. Pourtant, j'en ai lu quelques uns entre temps, et des biens en plus ! Et des vrais livres hein, pas de la bédé. (Private joke avec moi même qui rigole bien d'ailleurs).
Donc, c'est parti pour le retour du livre avec Fan Man.

De quoi ça cause mec ? de Horse Badorties, mec. Horse Badorties, c'est un artiste, un gourou même, un artiste-gourou, il fait de la musique et il enregistre, mec. Avec toujours un petit ventilateur à portée de main. C'est aussi un clochard illuminé qui fait son bonhomme de chemin jusqu'à l'accomplissement de son grand concert. Entre autres.

Voilà ce qu'est c'est Fan Man, une sorte d'ovni contant le quotidien de cet étrange et déroutant personnage vivant dans la crasse et les ordures, toujours avec son sac rempli de babioles en tout genre, indispensable à sa survie comme ce fabuleux magnétophone détraqué. Et, on ne sait comment, ce curieux siphonné est pourtant porteur d'un certain charisme, son allure extravagante le rend encore plus mystérieux et son art du bagou lui permet de passer entre les mailles du filet, tantôt embobinant son logeur, tantôt distribuant nombre de chèque en blanc à qui veut bien lui accorder un semblant de crédit.
On se rend vite compte que pour Horse Badorties, la vie est une véritable aventure, rien que sortir devient une épreuve et apparemment aller d'un point à un autre tout en connaissant la ville sur le bout des doigts, c'est pour lui une épopée exceptionnelle.
Horse Badorties est aussi un homme de conviction qui ne vit que pour l'accomplissement de sa destinée, du jour où aura lieu cet extraordinaire concert qui réunit, on ne sait comment, des adeptes peu à peu. Parce que Horse Badorties a beau être un clodo, il a bien du talent... et même des talents !
 
On s'attache rapidement à ce personnage totalement barré, vivant dans un autre monde au milieu du notre où il retrouve parfois quelques échos. À la fois véritable artiste (il en a la démarche) et pseudo-égaré (il en a la démarche), on le suit dans son milieu urbain d'où il parvient à s'extraire à sa curieuse manière, on s'étonne de son efficacité, on reste abasourdi devant son culot et finalement on exulte devant son grand final, ouaip, mec. Il est comme ça Horse Badorties.

Vous l'aurez compris, Fan Man, c'est lui, l'homme aux ventilos, Horse Badorties le déglingo, un surprenant roman pour ma part qui m'a fait ressentir toutes les émotions possibles aussi plaisantes que désagréables, une sorte de vision humoristique du quotidien d'un échappé social, d'un marginal.

vendredi 2 novembre 2012

WRONG

Réalisation : Quentin Dupneux...Dupieux
Durée : 94 min. soit 1h34
Genre : Faux film

J'avoue, j'avais été conquis par Rubber, l'histoire d'un pneu tueur, comment dire... je ne pneux pas dire non, ça m'enjante, j'avais mis la gomme direct la salle la plus proche.
(ça, c'est fait).
Bon au final, j'en étais sorti un peu mitigé, quelques longueurs au milieu et une scène d'introduction d'anthologie. Mais du coup, cela a suffit pour me plonger dans son nouveau film : WRONG.

Un peu d'histoire ? Un tout petit peu alors. De bon matin, Dolph découvre que son chien a disparu.

De là, va se développer toute une histoire abracadabrante ou presque autour de cette disparition. Aussi étonnant que cela paraisse, entre toutes les scènes absurdes et les enchaînement abscons, une intrigue existe bel et bien ! Et elle fonctionne. J'ai été fort surpris de découvrir que dans tout ce fatras de n'importe quoi, de décalage extraordinaire, une trame se faufile, disparaissant, ressurgissant sans raison et arrive à son dénouement.
Difficile d'en sortir indemne, sur une idée d'une simplicité extrême, on trouve et découvre des séquences d'une absurdité magnifique qui ne sont pas sans évoquer cette audacieux questionnement qu'est le fameux "bordel, qu'est-ce que c'est que ce truc ?". Frôlant un certain amateurisme apparent et voulu avec un Eric Judor dans le rôle de Victor, un jardinier aussi paumé que nous, on en vient à se délecter de la performance de William Fichtner en un Master Chang complètement cinglé et gentiment effrayant.
La galerie de personnages, comme les situations, est truculente est participe à merveille à ce fourre-tout, méli-mélo aussi surréaliste que sensé, un pur moment de plaisir.

Bref, une bonne découverte qui m'a énormément fait rire et ce qui ne gâche rien, les moments, aussi délicieux absurdes sont également d'une beauté impressionnante. Parfois, rien que pour l'image, le film de Quentin Dupieux est savoureux.

Et puis comme c'est bien normal, voici un extrait d'un autre film, l'ouverture de Rubber

mercredi 22 août 2012

La rivière souterraine de Labouiche

Ce monde est merveilleux. Ou presque.
On peut y trouver les pires atrocités, les horreurs les plus abjectes et au milieu de tout ça, de belles choses.
Et souvent ces belles choses ne datent pas d'hier. Elles étaient là bien avant et seront là encore bien après, surprenantes et sauvages, les curiosités de la nature ne cesseront de me surprendre.


Ce fut donc le cas très récemment lorsque j'ai pris le temps d'aller visiter la rivière souterraine de Labouiche.

(oui, désolé, c'est la reproduction d'une carte postale mais il est interdit de prendre des photos pendant le trajet et j'aime bien les cartes postales tout comme je remercie le(s) site(s) où je vais piocher toute l'iconographie de ce message du coup).

Et comme un con, je n'ai même pas pensé à prendre en photo l'extérieur ou l'entrée au moins pour se faire une idée du lieu et du départ.
Mais bon. Fermez les yeux et imaginez.
Quoique.
Lisez juste et démerdez vous.
Petite description de mon périple sous terre, les informations pratiques arriveront ensuite, mais aussi maintenant puis sans doute un peu au milieu.

Situons l'endroit.
La rivière souterraine de Labouiche se trouve en Ariège, la manière la plus simple est de suivre les panneaux indicateurs, la deuxième manière la plus simple est sans doute d'utiliser cette instrument que j'abhorre et qui répond au terrible nom de GPS.
La troisième manière la plus simple mais ça se complique c'est aussi de demander son chemin à des autochtones.
La quatrième manière encore plus simple que les précédentes mais moins évidente, c'est de se faufiler au milieu d'un bus de tourisme peuplé de vieux allemands en short au départ de Foix.
Et si vous n'aimez pas la simplicité, vous pouvez suivre mes vagues indications : en gros c'est à côté de Foix, direction l'ouest.

Il existe deux entrées pour accéder à la rivière, l'entrée naturelle découverte au début du XXe siècle et l'entrée artificielle aménagée des années plus tard pour permettre la visite de l'ensemble des lieux.
Le circuit qui nous fait parcourir 1500m sous terre va nous promener d'une entrée à l'autre. Et selon par où l'on accède, on va descendre ou monter la rivière.
Il a fallu d'énormes aménagements pour que la visite soit accessible à tous, un système de barrage et de retenue d'eau a été mis en place pour permettre la navigation, la rivière prenait à l'origine pratiquement tout l'espace de ces cavités souterraines.
C'est à bord d'une barque de métal que l'on peut parcourir ce chenal pour le moins original, la fraîcheur y est constante, à 12°C en plein été, c'est un véritable havre de paix. L'entrée naturelle est tout d'abord très impressionnante car très très basse vue de l'extérieur, à l'intérieur, le plafond n'est certes pas très haut mais c'est pratiquable bien que tout au long du chemin, il faudra faire très attention à certains obstacles, des éperons rocheux et des voûtes assez basses nécessitent parfois de se coucher pour éviter de cogner, il faut donc être un peu attentif et ne pas déconner sans arrêt comme un touriste parisien.
Le chemin est souvent tortueux, les passages très dessinées par la rivière laissent parfois place à des petits espaces où l'on peut voir stalactites et stalagmites, des draperies et autres concrétions étonnantes.
La profondeur excède rarement 1 à 2m la plupart du temps sauf à un endroit où elle approche des 5m si je me souviens bien. Lieu où se situe également l'unique cascade souterraine.
L'entrée ou en l'occurrence, la sortie artificielle est tout aussi impressionnante d'un autre point de vue, il s'agit d'un très long escalier en colimaçon qui va nous emmener 60 m plus bas jusqu'à la rivière elle-même. Je fus étonné de tout ce travail effectué pour rendre l'endroit accessible à tous.

Et enfin pour les informations pratiques, sachez que l'entrée coûte 9,50€ et un petit peu moins cher pour les mioches. La visite est commentée par des guides rigolos parfois, prévoyez une petite laine si vous êtes frileux mais je vous assure qu'il fait super bon mais comme la visite dure un peu plus d'une heure (1h15 environ), on ne sait jamais. Mh, quoi d'autre ? Il y a un café et un endroit où se restaurer à la surface mais les cartes postales ne sont pas terribles malheureusement.
Ah, ma théorie concernant l'interdiction d'appareils photographiques est que ça pourrait grandement gâcher la visite si une dizaine de blaireaux mitraillaient à coup de flash à tous les virages. C'est ma théorie, elle vaut ce qu'elle vaut et je sais que ça m'emmerderait déjà que certains passages nécessitent un complet silence pour apprécier toute la beauté et l'essence du lieu.
Le site est quand même très reconnu, il s'agit de la plus grande rivière souterraine navigable d'Europe (d'après les panneaux) et ça circule énormément là dessous, il y a 18 barques en service et vous croiserez des copains-touristes sans arrêt sans compter les embouteillages.

Pour terminer, sachez que la rivière souterraine de Labouiche est surnomée "la Venise ariégeoise", surnom que je trouve tout bonnement ridicule tant le rapport entre les deux est ténu.
Je l'aurais volontiers mieux surnommé "l'Amazone souterrain ariégeois", c'est peut-être plus prétentieux mais c'est plus juste.

Quoiqu'il en soit, c'est un endroit magnifique qui vaut le déplacement à mon humble avis, impressionnant, tranquille, c'est tellement beau d'entropie naturelle que j'en serais resté bouche bée.

A notez que non loin de cette endroit se trouve le Gouffre et la grotte du Mas d'Azil que je recommande et dont je parlerais sans doute plus tard.

Un lien avec les informations pratiques.

Margin Call

Réalisation : J.C. Chandor
Durée : 1h47 et c'est suuuper long en fait 1h47.
Genre : Film catastroph...ique dans le milieu de la finance.

Alors il commence à se faire tard mais tant pis, je veux terminer ma série "fête du cinéma 2012" où on avait droit cette année à de petits bracelets tout pourris. Oui, parfaitement. Des bracelets en tissus à la con et plutôt moches (mais doux). D'habitude, on a une carte qui peut être gardé en souvenir dans un porte-carte un portefeuille ou encore, et c'est le plus gigatop, le petit carnet où l'on peut noter les séances à voir et à venir et tous les films qu'on a vus. Ce petit carnet que l'on conserve précieusement pendant des mois voire des années (même s'il est tout effacé) pour finalement le jeter à la poubelle au prochain déménagement.
Mais, je persiste à penser que le bracelet, c'est naze.

Alors, je préviens, je vais dire que j'ai trouvé le film merdique même s'il ne l'est pas totalement mais je vais m'expliquer, sans trop m'attarder non plus puisqu'il m'a bien ennuyé.
Mais d'abord, celui que vous attendez tous, le synopsis :
Un groupe financier s'aperçoit qu'un de leur outil-produit déconne grave et qu'ils ont dépassés la marge de sécurité. Tout se pète la gueule, une seule solution (la moins pire) s'offre à eux : revendre tout et très rapidement pour subir le moins de perte possible quitte à provoquer une sorte de krash boursier.

Alors au départ, je me suis dit que ça devrait être intéressant, suivre pas à pas la déchéance de ce groupe de traders dépassé par leur création et ce marché instable, l'histoire de la grenouille qui voulait devenir plus grosse que le boeuf, etc. Tout ça décortiqué et expliqué de manière critique et caustique.

Bon d'abord, grosse mise en garde, il faut avoir des notions d'économies. Et de bonnes. Je croyais en avoir, du moins le principe schématisé du fonctionnement du système boursier, plus ou moins.
Et bien ce n'est pas suffisant et même si certains pourraient dire le contraire, je continuerais à penser que pour le commun des mortels, c'est loin d'être évident et du coup, le film devient parfois difficile à vraiment comprendre. Enfin on en saisit les grandes lignes mais pas tous les tenants et aboutissants parce que durant la première demi-heure où le problème va être découvert et l'alerte être déclenché, ce n'est presque que du jargon économique entrecoupé de courts échanges entres les jeunes traders surpris et apeurés et le début des métaphores parfois bizarres, parfois chouettes qui constitueront ensuite le seul intérêt et désintérêt du film.
Parce que dès que le problème est connu, c'est la fin, on assiste à la déchéance petit à petit de ce petite monde, de cette société qui brasse des milliers et des millions de chiffres à l'heure. Il va y avoir un temps de latence où la peur tenaille l'ensemble des protagonistes face au choix dangereux qu'ils souhaitent mettre en place. Ce choix, c'est leur arrêt de mort, c'est la fin de leur travail mais c'est la fin en espérant récupérer quelques billes avant que tout s'écroule. Limiter la casse, voilà le but. Sachant qu'ils sont condamnés de toute façon.
Alors dans l'idée, c'est bien. Dans les images, c'est exactement ça aussi sauf que ça ne passe pas aussi bien, ils attendent, décident de leurs préparatifs, ils attendent, font leurs dernières actions (oh, oh), ils attendent, chouinent un peu, fin.
Alors c'est assez difficile de juger de la qualité de ce passage qui constitue une bonne partie du film. En fait, c'est réussi du point de vue du rythme, tout s'enchaine à merveille, c'est comme l'immense pente d'un grand huit sans les rails au bout, c'est plutôt fluide à ce niveau cependant ça en reste du coup chiant un peu tout le temps. Le film reste très plan-plan et cartésien, très économique pourrait-on dire finalement (même si on peut trouver de la fantaisie dans les chiffres, regardez le 8).
Les quelques séquences informatives faisant avancer le film sont rythmées par ces fameux passages métaphoriques où à chaque fois en duo, deux protagonistes du film se retrouvent et échangent leur point de vue, parfois presque de manière claire mais majoritairement par métaphores dont certaines sont digne d'un "quand le bateau coule, les rats quittent le navire".
Parfois, ça passe un peu mieux quand on sent une certaine tension entre les personnages ou un prise de position plus générale et plus cynique mais là encore ces passages n'ont pas eu le mérite de m'avoir marqué plus que ça.
Et puis il y a la fin. Une fin qui m'a paru très bien vu mais qui peut aussi s'avérer être très ridicule pour d'autres. J'ai eu l'impression que c'était le seul moment lucide et expressif de la catastrophe vécue.

Bref, Margin Call m'a clairement déplu, hermétique, souffrant d'une réalisation plan-plan avec des tirades souvent digne d'un mauvais roman mais il a comme avantage de bien coller à son sujet et parfois d'y ressembler.
Malgré tout, le film bénéficie d'un casting assez impressionnant et j'ai bien aimé Kevin Spacey même si c'est souvent lui qui balançait des conneries.

Pour précision, j'ai vu Cosmopolis quelques jours avant qui traite presque du même sujet mais de manière plus lointaine, moins interne. Et j'ai largement préféré son côté film d'anticipation et les propos qui, s'ils paraissent plus farfelues, sont certainement plus universels.

J'ai jeté un oeil vite fait sur la toile pour voir d'autres articles en parcourant très vite en  diagonale et vous en trouverez des avis positifs qui sont tout à fait valables également.