mercredi 7 novembre 2012

L'attaque des dauphins tueurs. Julien Campredon. éditions Toussaint Louverture. 14€


J'aimerais dire beaucoup de bien des éditions Toussaint Louverture parce que c'est possible qu'elle le mérite.
En plus d'éditer des ouvrages un peu perdus de vue, de faire de l'archéologie littéraire ou de dénicher quelques petits talents bien sympathiques par-ci, par là et bien ils ont le soucis du bouquin, un beau texte avec un beau livre, ça marche comme ça.
Et c'est surprenant mais ça sent dès la prise en main. Pas besoin qu'il soit énorme, l'effeuillage, la typographie, la présentation à la fois épuré, curieuse, élégante et classique, c'est simplement agréable ce côté vieux livre tout neuf. Ça à l'air bête comme ça, mais ça se fait rare.
Alors oui, j'aimerais dire de bien jolis choses à leur encontre mais c'est comme tout, à force ils pourraient y prendre goût.
Et puis, bon, en vérité, c'est d'un livre que je veux causer alors c'est bien beau les éditeurs qui font du bon boulot mais place à l'oeuvre elle même que diable !
Et du diable, il en est question dans ce recueil de nouvelles, comme on peut y croiser un livre maudit, du béton maléfique, un touriste envahissant et bien sur des dauphins tueurs.

Alors j'arrête tout de suite tout le monde, non, je n'ai pas fait l'acquisition de cet ouvrage uniquement à la lecture de ce titre vilement accrocheur, du tout, je... c'est pas vrai... je réfute... Bon ça a joué un petit peu. Beaucoup.

Le recueil en question comporte 5 petites histoires flirtant pour la plupart avec du fantastique, enfin sauf la dernière, encore qu'une pourrait être considéré comme de l'anticipation, et la deuxième, c'est presque une chronique sociale et... enfin rien ne sert de catégoriser, il faut partir du bon pied et justement, c'est cela qui est bien c'est qu'avec toutes les nouvelles de l'attaque des dauphins tueurs, on marche à fond dedans.

Diablerie diabolique au clubhouse par exemple est un récit tout droit inspiré des oeuvres de Robert Louis Stevenson, d'Edgar Allan Poe ou encore de Goethe vu qu'il s'agit là ni plus ni moins que d'un curieux pacte avec le diable ! Tout en souplesse, Julien Campredon donne le ton, et celui-ci joue sur le green de l'humour avec une fixation sur le golf pour l'un des protagonistes tandis que l'autre rêve d'une fontaine de jouvence. Et mélangeant avec élégance le style classique des auteurs précités à des accents de modernité, il se dégage de ce récit fantastique son style propre, où l'absurdité bien écrite prime avant tout.

Et tout ça se confirme avec La Vengeance du livre uruguayen que tout bon lecteur se doit d'apprécier vu qu'il tourne autour d'un livre mystérieux qui, si on l'utilise en infusion, promet une bibliothèque de 423 gros volumes.
Outre le fait que l'on y découvre une description gentiment caricatural ô combien juste de la librairie, il en reste que cette nouvelle est une merveilleuse et hilarante mise en scène des dangers de l'avidité. Et tout ça en passant par la description du quotidien de ce jeune couple et de leurs petites contrariétés quotidiennes, l'absurde de la situation en est presque poussé à son paroxysme avec l'apparition d'un appartement étrangement labyrinthique.

C'est avec La coulée de béton infernale qu'on se retrouve dans un récit peut-être plus classique, une sorte de polar paranormal où l'humour est encore ici toujours constant. Histoire de détective où l'auteur joue avec tous les codes du genre pour lancer une petite enquête sympathique autour d'un détective en proie à un bétonneur fantômatique et fou. C'est pour moi la nouvelle la plus faible du lot mais qui reste néanmoins très divertissante. Autant le mariage humour et fantastique du XIXe me convenait autant la recette fonctionne légèrement moins bien pour moi avec cette rigolote detective-story.

Mais c'est pour mieux atterrir sur la nouvelle qui donne son titre à l'ouvrage (sans verser de droits d'utilisation), l'attaque des dauphins tueurs.
Et rarement un titre fut aussi vrai, il s'agit bien là d'une attaque de dauphins tueurs. Nous sommes dans un futur proche, assez proche, trop proche où la tectonik a eu bien trop d'échos et le poisson est interdit. On est là dans une histoire de SF délirante et délicieusement cinglé où tout semble permis, c'est avec un certain brio que Julien Campredon utilise des procédés des films de série B, des éléments de la société de consommation et le manichéisme des politiques droite-gauche pour les tourner à son avantage et faire de ce texte un petit bijou de cynisme absurde.
C'est bien con et c'est bien bon, comme les sardines.

Finalement, c'est plutôt sensé que le recueil se finisse par M., M. M., D. & M. une histoire qui ne va nul part pour ne mener à rien. C'est bien simple, au fil de la lecture, on est aussi perdu et impuissant que ce pauvre bougre d'Édouard qui se voit peu à peu jeté de chez lui par un coucou appelé Michel.
C'est un peu le clou du spectacle, l'apothéose de ce lot de petites nouvelles bien absurdes, les évènements s'enchaînent et on perd pied avec le personnage, c'est étrange et une belle coïncidence mais c'est un peu le même esprit que Wrong de Quentin Dupieux dont je disais quelques mots sur ce même blog. Une douce et drôle descente dans la folie.

Bref, j'imagine que j'en ai trop dit ou pas assez, quoiqu'il en soit, j'ai pris mon pied, et comme un petit verre de ce que vous souhaitez, ça passe tout seul, de l'humour bien troussé et Julien Campredon semble assez bien maîtriser son style, qui me convient, ce croustillant mélange d'un phrasé soutenu à un univers plus populaire.

Et puis, il ne faut pas exagérer mais juste en dessous, c'est le site des éditions Toussaint Louverture

Il est à l'image de leurs ouvrages et on y trouve déjà plein de choses à lire.

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